Rectina : Bonjour à tous, soyez les bienvenus dans l’exposition Pompéi, la cité immortelle. Cet audioguide va vous accompagner pendant toute la visite. Vous allez maintenant faire un voyage dans le temps, au premier siècle de notre ère. Nous vous souhaitons une excellente visite.
Caius fils : Je m’appelle Caius Cuspius Pensa et j’ai dix-sept ans. Je suis né en l’an 62 à Pompéi dans la région de Campanie, juste avant le tremblement de terre qui détruisit une partie de la ville et qui m’ôta la tendresse de ma mère, tuée par la chute d’une colonne. J’ai été élevé par ma tante, Rectina, que la déesse Vénus veille sur elle.
Rectina : J’ai donné à Caius le même amour et la même éducation qu’à mes enfants. Je le revois jouer au milieu des champs d’oliviers dont je m’occupe aux côtés de mon époux Lucius. Comme moi, il aime les parfums que l’on prépare avec une huile d’olives vertes.
Lucius : Je suis Lucius, un des principaux négociant en vins et huiles d’olives de toute la région. J’exporte mes vins au-delà des mers. J’aide mon frère Caius à retrouver son siège de duumvir en organisant avec lui un banquet public qui fera date.
Caius père : Je me nomme Caius Cuspius Pensa, comme mon père avant moi et mon fils. J’ai été duumvir, un des deux plus hauts magistrats de Pompei et souhaite être réélu aux prochaines élections. Pour ce faire, je finance sur mes deniers, combats de gladiateurs, banquets et réfection de bâtiments endommagés, pour plaire aux citoyens de ma ville. Je souhaite que mon fils prenne ma succession, mais pour l’heure, il est surtout passionné d’architecture.
Diphile : On m’appelle Diphile. Je suis esclave et architecte au service du grand Caius Cuspius Pensa. Mon Maître m’a demandé de bâtir de nouveaux thermes publics au centre de la cité, les plus modernes qui soient.
Caius fils : Enfant, j’aimais par-dessus tout aller à la chasse avec mon père et mon oncle Lucius. Tous deux étaient bons cavaliers, mon père me prenait en croupe sur son cheval. Armés d’arcs, de lances et de filets, nous pourchassions sangliers, cerfs ou perdrix du lever du soleil à son coucher. Les esclaves en ligne rabattaient le gibier dans notre direction en faisant le plus de bruit possible, et à la tombée de la nuit, ils étalaient notre tableau de chasse sur le sol, avant que le partage n’ait lieu. Mon cher oncle ponctuait ses journées toujours de la même manière :
Lucius : – « Que le divin Bacchus soit ici remercié pour tant de générosité ! ».
Caius fils : Mais le plus beau souvenir que j’ai d’un animal est sans aucun doute le jour où je vis un éléphant ! Mon grand-père et mon père avaient, à grands frais, fait restaurer l’amphithéâtre de Pompéi, en partie détruit. Il fallait un évènement sans précédent pour sa réouverture au public. En plus des combats de gladiateurs mémorables, mon père fit venir cet éléphant d’Afrique. Je n’avais jamais rien vu de tel. Il fallut installer temporairement un filet de protection pour que les habitants apeurés, dont j’étais, acceptent de garnir le bas des gradins.
Caius père : – « Tu sais Caius, un de tes lointains aïeuls a vu pareil animal en combattant Hannibal il y a trois cents ans ! ».
Caius fils : C’est, en tout cas, ce que vantait la légende familiale.
Caius fils : Mon oncle Lucius possédait plusieurs villas dans les environs de Pompéi, la plupart étaient entourées de vignes et de champs d’oliviers. De nombreux esclaves travaillaient toute l’année à leur entretien. Lucius produisait différentes qualités de vin. Il prenait plaisir à surveiller lui-même leur fermentation. Il avait aussi des vignes à Falerne qui donnait, de loin, le meilleur vin que l’on puisse servir. Sa réputation avait fait sa fortune. On buvait ses grands crus dans les meilleures maisons de Pompéi mais aussi de Rome. Il parait que l’Empereur Vespasien lui-même l’appréciait en quantité.
Il en exportait vers de nombreuses contrées, jusqu’en Gaule ou en lointaine Bretagne, mais des vins de moindre qualité, car il fallait ajouter eau de mer et chaux pour en garantir la conservation.
Ma chère tante Rectina, montrait beaucoup d’intérêt pour l’huile d’olives, surtout celles destinées aux bases de parfums. Elle m’initiait avec passion :
Rectina : – « Regarde Caius, il ne faut que des olives vertes, cueillies bien avant leur maturité. Elles donnent une huile neutre, sans odeur ou presque et surtout bien fluide, peu visqueuse. L’huile doit « accueillir » les essences parfumées, pas les altérer ».
Caius fils : Je sentais toujours sur elle son parfum préféré : le baume de Judée.
Les citoyens romains aimaient assister à des combats de gladiateurs et à des chasses aux bêtes sauvages.
Les ruines de Pompéi nous en apprennent un peu plus sur cet engouement.
On y voit par exemple, nombre de graffitis annonçant des combats ; et un quartier des gladiateurs a été mis au jour ainsi que de nombreuses pièces d’équipement comme ce casque que vous voyez ici.
À Pompéi, la plupart de ces spectacles se déroulaient dans le grand amphithéâtre.
Bâti à la lisière de la ville dans les années 70 avant notre ère, il est un des plus grands bâtiments de pierre de ce type qui ait jamais été retrouvé : il pouvait accueillir 20.000 spectateurs !
Ces combats -gratuits- étaient organisés et financés par des édiles au cours de leur mandat, pour remercier leurs électeurs… ou espérer en conquérir de nouveaux.
Caius père : – « Lucius mon frère ! Je veux offrir aux citoyens de cette ville un banquet dont ils garderont le souvenir ! Pour obtenir des suffrages, les plaisirs de bouche sont imbattables ! »
Lucius : – « Si j’en crois ce que l’on m’a rapporté, les derniers combats de gladiateurs que tu as fait donner dans l’amphithéâtre, ont fait aussi merveille pour ta réputation ».
Caius père : – « Je me méfie des combats de gladiateurs, la passion qui les entoure mène à des débordements. Je garde en mémoire les affrontements violents entre habitants de Pompéi et de Nocera il y a vingt ans … plusieurs morts … c’est mauvais pour la réputation. Alors qu’un bon repas n’a jamais tué personne ! »
Lucius : – « Soit ! Nous ferons venir en nombre gibiers et loirs d’élevage, bœufs et cochons sauvages, des fruits, des baies de toutes sortes et du pain dont tu me donneras des nouvelles, cuit à la farine d’épeautre … et puis le meilleur de la mer toute proche ; homards, rougets, bars et raies … et du garum bien sûr ! »
Caius père : – « Et n’oublies pas les huîtres ! Pline l’Ancien en raffole ! Choisis celles du lac Lucrin, elles sont fameuses et sa proximité garantit leur fraîcheur ! »
Caius fils : Certaines huîtres produisaient des perles aux reflets nacrés. Leur rareté donnait à un bijou toute sa valeur. Mon oncle Lucius avait offert à son épouse, ma tante Rectina, une paire de boucles d’oreilles en or, parées de perles, qu’elle ne quittait jamais.
Caius Jr : Regarde ma tante ! Un thermopolium ! J’ai faim. Pourrait-on s’arrêter et manger rapidement quelque chose ?
Rectina : Caius, tu sais très bien qu’on ne sert ici que des plats simples, peu élaborés à destination des gens modestes, voire des brigands. Tu ne trouveras pas ici des sangliers farcis comme on en sert à notre table !
Caius Jr : Bien sûr, mais c’est amusant de manger debout, dans la rue.
Rectina : Bon, d’accord. Mais c’est bien pour une fois ! Que veux-tu manger ?
Caius Jr : Regarde, ils ont des escargots et des haricots ! Et ils ont des infusions aux herbes avec du miel !
Caius fils : Il faisait un temps magnifique ce jour-là, comme les débuts d’été en offrent souvent en Campanie. Des centaines de convives se régalaient des mets qui se succédaient à un rythme soutenu, donnant l’impression d’une fête qui ne finirait jamais. Mon père, entouré des plus hauts notables de la ville, dont Pline, parlait fort et vantait ses mérites :
Caius père : – « Mes amis ! J’ai fait reconstruire cette ville depuis plus de quinze ans. En témoignent encore les thermes du Centre qui seront bientôt ouverts à vous tous ! Vous savez combien j’aime notre cité ! Que Vénus et Apollon veillent sur nous et que Bacchus aujourd’hui nous enchante ! »
Caius fils : Les acclamations qui suivirent laissèrent à penser que les élections de mars prochain ne seraient qu’une formalité. Mais à peine quelques jours plus tard, les premiers tremblements de terre ont commencé. Le Vésuve allait en décider autrement.
Ce magnifique trépied en bronze est sans doute un objet religieux.
Ou du moins, il était utilisé lors de cérémonies religieuses.
Pliant, il pouvait être transporté sur des lieux de culte.
Il était destiné à accueillir un foyer – pour l’encens- ou un bassin – pour le vin. L’encens étant le vecteur qui transmet l’offrande humaine vers les dieux.
La religion romaine est caractérisée par son polythéisme et, surtout, par son absence de dogme.
Elle est caractérisée par un ensemble de rites qu’il s’agit d’accomplir le plus correctement possible afin de satisfaire les dieux.
Caius fils : Le chargement des amphores, dans les cales des bateaux en partance, devait être très méticuleux. Mon oncle Lucius supervisait toujours cette délicate opération qui garantissait l’arrivée des amphores entières à bon port. A condition, bien sûr, que le bateau parvienne à destination. Les tempêtes en Méditerranée pouvaient être soudaines et redoutables. Je me souviens de Lucius entrant un jour en vociférant dans la domus de mon père :
Lucius : – « Un chargement entier ! Coulé ! Brisé par la tempête au large de l’Hispanie ! »
Caius fils : Une telle tragédie pouvait provoquer un sérieux revers de fortune. Heureusement, mon oncle n’avait, dans ce bateau perdu, que quelques dizaines d’amphores d’un vin sans doute médiocre. Le jour du banquet offert par notre famille approchait en ce début d’été 79. Comment imaginer alors qu’il serait le dernier festin public de Pompéi …
Caius père : – « Je veux que Pline l’Ancien parle de notre banquet jusqu’à Rome, Lucius. Il est grand amateur de vin, te reste-il de cet excellent Falerne que tu m’as fait goûter ? »
Lucius : – « Non celui-là est épuisé, mais la production de l’année 74 le dépasse en tout point. Crois-moi, Pline sera ravi ! »
Le rhyton est un vase à boire en forme de corne, parfois qualifié de corne dionysiaque.
L’orifice le plus large servait à verser le liquide bu par le trou terminal.
Plusieurs fresques montrent son utilisation pendant les banquets, appelaient symposia en latin.
Cet objet témoigne que les Romains de l’époque maîtrisaient parfaitement la technique du verre soufflé.
Au point qu’au moment de la catastrophe, l’usage de vaisselle en verre s’est répandu et qu’on retrouve dans les ruines davantage de vases en verre qu’en céramique.
Les verriers pompéiens maîtrisaient aussi les couleurs ajoutant par exemple à la pâte de verre du cobalt pour obtenir le bleu sombre, du cuivre pour le vert ou du manganèse pour le violet.
Caius fils : Le tremblement de terre de 62 avait fait de très importants dégâts. Lorsque très jeune, je me rendais avec mon père chez son ami le banquier Jucundus, je regardais, fasciné, un bas relief qui montrait le chaos laissé par cette secousse d’une force inouïe. J’imaginais, dans mon esprit d’enfant y trouver une représentation du corps inerte de ma mère. Il fallait reconstruire. Pendant les années qui suivirent, mon grand-père et mon père financèrent bon nombre de restaurations dont celle de l’amphithéâtre de Pompéi. Le grincement des grues, où tournaient des hommes, devint familier. Partout on croisait des ouvriers maniant équerres et fils à plomb, calibres et compas. C’est dans cette ambiance de travail que je grandis, suivant dès que je le pouvais, notre esclave architecte, Diphile, sur les chantiers. Ainsi la passion de l’architecture me vint. Un jour, j’avais déjà dix-sept ans, mon père fit appeler Diphile :
Caius père : – « Diphile ! Je veux faire construire de nouveaux thermes publics au centre de la ville sur ce terrain abandonné que tu connais bien. Rase le reste des ruines et propose-moi une architecture dont on parlera. Il faut ouvrir avant les élections de mars prochain. Mon fils Caius suivra l’avancée des travaux. J’attends tes premiers dessins sous quinzaine ! Va ! »
Caius fils : Diphile travailla aussitôt sur le projet. Il me tenait informé quotidiennement.
Diphile : – « Maître, nous pourrions bâtir entièrement en briques. Les délais sont courts et jamais des thermes publics n’ont été construits uniquement avec ce matériau. Et grâce aux nouvelles techniques de verre à vitre, nous ferons de grandes ouvertures offertes au soleil ! »
Caius fils : Mon père accepta les dessins. Nous décidâmes également que ces thermes seraient les seuls de Pompéi à être mixtes, comme cela se faisait depuis peu. Ainsi, hommes et femmes pourraient se baigner ensemble.
Caius fils : Mon père souhaitait que les thermes du Centre soient les plus accueillants et confortables qui puissent être. Il tenait par-dessus tout, pour retrouver son siège de duumvir, à ce que les citoyens de la cité lui en soient reconnaissants. Il ne manquait pas d’élégance. Sa toge était toujours impeccable et son visage fin soulignait sa distinction.
Diphile : – « Pour le chauffage des pièces chaudes et des bains, Maître, nous utiliserons, en plus du chauffage à hypocauste traditionnel, des tubuli dans les murs. Cluatius, un ami architecte, emploie déjà ces briques creuses pour les thermes du bord de mer à Herculanum ».
Caius fils : Le principe était simple. Des foyers situés à l’extérieur du bâtiment et alimentés en feu par des esclaves, chauffaient l’air sous le sol surélevé par des pilettes en terre cuite. L’air chaud remontait ensuite par les tubuli, briques creuses qui constituaient les murs. Douceur ou chaleur était ainsi garantie toute l’année. Mais de toutes les techniques maitrisées depuis longtemps, celle du verre me fascinait particulièrement. Ma tante Rectina possédait une véritable collection de fioles à onguents, de cruches à huiles, de flacons pour ses parfums, tous de formes et de tailles différentes.
Rectina : – « Caius ! Repose ce flacon immédiatement ! et en douceur s’il te plait … »
Caius fils : Elle était la bonté même et me pardonnait beaucoup quand j’étais petit, mais il était hors de question de toucher ses verreries. Il est vrai que l’une de ses petites fioles en verre contenait son parfum préféré, le plus cher qui soit : le baume de Judée, extrait de la sève d’un arbre. Elle m’apprit un jour qu’un seul flacon de ce précieux baume coutait 200 deniers. Cette somme représentait plus de cent jours du salaire d’un ouvrier agricole !
Ces statuettes représentent des lares effectuant un pas de danse.
Les lares étaient les divinités tutélaires de la maison, protecteurs de la famille.
Ils sont le témoignage le plus authentique de la religiosité populaire.
Ils tiennent dans leur main une corne à boire (rhyton) et une patère, coupe peu profonde et évasée servant à offrir les libations.
Ce bracelet serpentiforme est en or et semble avoir été un cadeau apprécié !
On a retrouvé dans les ruines de Pompéi un bracelet semblable portant gravé sur sa face interne le message suivant : « Dominus suae ancillae ».
Ce qu’on pourrait traduire par : « D’un maître à son esclave ».
On peut supposer que ladite esclave était sans doute davantage qu’une « simple » esclave …
Outre le fait que la forme du serpent est facile à transformer en bracelet ou bague, cet animal est souvent représenté en bijou.
En effet , il est l’animal familier d’Esculape (dieu gréco-romain de la médecine), protecteur de la santé et est considéré comme l’emblème de l’immortalité.
Caius fils : L’édification des thermes du Centre avançait rapidement sous la chaleur de l’été. Le bassin de la natation était maintenant creusé et les différents espaces prenaient forme : le frigidarium au bain d’eau froide, le tepidarium, salle tiède où les discussions allaient bon train, le laconicum, pièce de sudation et enfin le caldarium au bain d’eau chaude. Il y aurait aussi des latrines pour le confort de tous. Une grande palestre rectangulaire, permettrait de faire des exercices physiques avant les bains. Diphile vint m’alerter d’un sérieux problème.
Diphile : – « Maître, nous avons besoin d’un important volume d’eau pour alimenter les bassins, si l’aqueduc n’est pas en état, nous n’y arriverons pas ! »
Caius fils : La terre avait tremblé à nouveau, faiblement. Des fissures étaient réapparues sur l’aqueduc qui devait alimenter la ville et l’eau s’échappait. Mon père décida de le faire consolider sans tarder. Peut-être Diphile et moi serions nous obliger de creuser un puits vertical pour aller chercher de l’eau dans la nappe phréatique à l’aide d’une noria, grande roue à augets ? En aucun cas des thermes publics ne pouvaient manquer d’eau ! Pour les besoins quotidiens des douze mille habitants de la cité, il y avait des puits un peu partout et chaque domus était équipée d’une citerne d’eau de pluie, collectée par les toits, suffisante pour une famille et leurs esclaves. Les notables les plus aisés, dont mon père, possédaient même une baignoire et leur jardin était irrigué par un impressionnant réseau de vannes et de canalisations.
Ce type de brasero était en général composé de deux parties.
Dans le support en bronze que vous voyez ici, était déposé un récipient en fer rempli de tessons d’amphore, destinés à garder la chaleur.
Alors que les grandes villas disposaient d’un système de chauffage central par le sol, la plupart des maisons devaient se contenter d’un chauffage par braseros, disposés dans les pièces de vie.
Cet Objet est exceptionnel car étant en lui-même un calembour pompéien visuel typique.
Il avait en effet été offert aux Thermes par un certain Marcus Nigidius Vaccula.
Vaccula signifie vache, d’où la vache qu’on aperçoit au centre du Brasero.
Delphius : Je n’aurai pas de problème pour amener l’eau aux nouveaux thermes que je dois construire car nous avons toujours considéré l’eau comme une ressource rare et précieuse. Ainsi, dans les maisons de la cité, l’atrium est l’une des pièces principales. Il sert souvent de pièce publique où les maîtres reçoivent. Les portraits des occupants actuels ou de leurs ancêtres le décorent souvent. Mais surtout, le toit de cette pièce est ouvert au centre, permettant à l’eau de pluie de s’écouler vers un bassin, l’impluvium. L’eau est ensuite recueillie dans une citerne et sert lorsque les précipitations se font rares, par exemple pour entretenir les jardins.
Diphile : – « Grâce au verre à vitre, nous pouvons prévoir des ouvertures de trois pieds, Maître. Le jour, il ne sera nul besoin d’utiliser des lampes ou des lanternes. Les rayons du soleil joueront avec la surface de l’eau et projetteront des reflets partout sur les murs ! »
Caius fils : Mon intérêt pour le verre trouvait là de nouvelles perspectives. Les pierres spéculaires venues d’Hispanie ne permettaient pas de grandes fenêtres, le verre translucide oui. Nous avions, bien sûr, prévu nombre de lampes à huiles, lanternes et candélabres pour que les femmes puissent paraître belles dans le reflet chaud de leur miroir, les soirs où le soleil se coucherait plus tôt. Cette image des reflets dansant sur les murs me ramena quelques années en arrière lorsque je jouais avec le miroir de ma tante Rectina. Le souvenir me revint même d’un anniversaire et du cadeau surprise qu’elle me fit.
Rectina : – « Sais-tu ce qu’est ceci Caius ? C’est un prisme en cristal. Va dehors, et laisse la lumière du soleil le traverser. Après reviens et dis-moi ce que tu as vu … ».
Caius fils : Je me précipitais dehors et remerciais Apollon qu’il fit beau ce jour-là. Le prisme projetait sur le sol des couleurs allant du rouge au violet, semblables à celles de l’arc-en-ciel après les orages de juin. Dès que le cadran solaire de la maison donnait une ombre franche, j’essayais tout objet en verre avec le même espoir, y compris les bâtons colorés que Rectina utilisait pour ses précieux mélanges parfumés.
Caius fils : Les rues de Pompéi étaient bordées d’échoppes et de boutiques de toutes sortes. De ces devantures émanaient des odeurs d’épices ou de fleurs pour les plus agréables mais aussi de poissons ou de garum qui faisaient presser le pas. Ici on vendait des étoffes de lin, de coton ou de laine, là des sandales aux senteurs de cuir neuf. Ici on pesait du grain, au détail ou en sac, là on mesurait en pieds un lé de tissu. Chaque commerçant cherchait à attirer le passant en vantant les mérites de sa marchandise qui, bien sûr, était la plus belle, la plus fraîche ou la moins cher.
Rectina : – « Je voudrais un setier de parfum de rose de Campanie … »
Caius fils : Ce parfum valait 6 deniers le setier, soit trois quarts de litre. Rectina exigea que la mesure se fit dans des flacons en verre et calibrés. C’était le plus sûr moyen de ne pas être trompé sur la marchandise. Ma tante Rectina, comme d’autres femmes qui avaient du patrimoine, gérait beaucoup de choses dans les activités de mon oncle Lucius et lui l’encourageait plutôt. Mais ça n’était pas la règle partout. Les femmes romaines, bien qu’ayant une certaine liberté, étaient la plupart du temps soumises au bon vouloir d’un père ou d’un mari. Lorsqu’il sera temps pour moi de me marier, je prendrai pour exemple mon oncle et ma tante.
Ce type de balance à fléau est très utilisé à Pompéi.
L’un des crochets sert à suspendre la balance, l’autre, au bout d’une petite chaîne, les marchandises.
Le pesage est effectué en faisant coulisser le poids jusqu’à l’équilibre du fléau qui est gradué.
Le poids est ici une tête d’enfant assez potelé qui pourrait figurer le dieu Mercure en bas âge.
Mercure était en effet considéré comme le protecteur du commerce dans le monde romain.
Les marchands utilisateurs de ces balances sont souvent accusés d’utiliser de faux poids et balances truquées.
Au point qu’on les accuse d’agir par fraus et lucrum (par fraude et appât du gain). C’est pourquoi, dans les principales villes romaines existaient des fonctionnaires chargés de vérifier les poids et les balances.
Dans l’orifice que vous voyez dans la partie supérieure de ce cadran solaire en marbre devait figurer le gnomon, tige métallique (en général en bronze) dont l’ombre projetée sur les graduations devait permettre de mesurer le temps.
Une trentaine de cadrans de ce type ont été retrouvés à Pompéi dans des jardins privés ou publics.
C’est un moyen assez rudimentaire de connaître l’heure en journée, sans beaucoup d’exactitude.
Comme l’a écrit Sénèque,
« il est plus facile de mettre d’accord deux philosophes que deux horloges ».
Caius fils : Quelques mois après ces terribles journées, je suis retourné à Pompéi, pour tenter de retrouver ce qui pouvait l’être. Des monuments que je connaissais bien dépassaient de l’amas compact des cendres et je pus localiser la domus de mon père. En faisant creuser l’endroit, je ne trouvais rien d’autres que quelques objets. Sans doute avait-il fui la maison. Je suis resté longtemps, immobile, dans le silence absolu, les yeux fermés. Il me semblait entendre les voix de ceux que j’aimais et un sourire me vint. J’acquis à cet instant la certitude, qu’un jour, on les retrouverait.